La ville latino-américaine a souvent été appréhendée à travers la production du logement. Ce n’est que récemment qu’ont dé- marré des recherches considérant les aspirations et les comportements résidentiels des citadins, et retenant le marché du logement comme cadre interprétatif : les travaux de R. Coulomb (1995) l’ont montré, cette approche a déjà changé la lecture des transformations à l’oeuvre dans une ville comme Mexico. Toutefois, pour progresser davantage, il est nécessaire de ne plus rattacher l’individu à un seul lieu, le logement - implicitement supposé unique et permanent-, et de prendre en compte le caractère multipolaire des pratiques spatiales des citadins. Mieux appréhender les pratiques spatiales complexes de la population, à différentes échelles spatio-temporelles (du quotidien au biographique) et sociales (de l’individu, à la famille et au réseau de relations) s’impose pour avancer dans l’analyse des dynamiques urbaines. La reconnaissance du caractère multilocal des pratiques spatiales offre l’opportunité de revisiter avec une perspective nouvelle des champs de recherche urbaine étudiés jusque- là à travers le seul logement. Telle est la démarche proposée dans cet article, sur la base d’exemples tirés d’une recherche sur Bogota. Pour appréhender les mutations en cours dans la capitale colombienne, notre recherche (1) privilégie l’analyse des pratiques de mobilité spatiale des populations, en rapport avec les processus de production du cadre bâti. Le système d’investigation mis en oeuvre combine une approche des formes d’expansion et des recompositions spatiales appréhendées à travers des photographies aé- riennes, l’imagerie satellitaire et des données censitaires, et des observations fines des comportements de mobilité saisis par des enquêtes quantitatives et qualitatives réalisées dans différents quartiers de Bogota et de la périphérie métropolitaine.