De nouvelles articulations entre les politiques publiques et les pratiques sportives auto-organisees: l'exemple des sept communes de Yaounde (Cameroun)

Type Thesis or Dissertation - Doctor en Sciences du Sport et du Mouvement Humain
Title De nouvelles articulations entre les politiques publiques et les pratiques sportives auto-organisees: l'exemple des sept communes de Yaounde (Cameroun)
Author(s)
Publication (Day/Month/Year) 2016
URL https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01291686/document
Abstract
Dans le secteur des activités sportives, les politiques publiques contribuent à l’animation des
territoires à travers des actions diversifiées et transversales : construction ou aménagement des
espaces ou des équipements sportifs (gymnases, stades, piscines, parcours santé, etc.), soutien
ou organisation des évènements (compétitions nationales ou internationales), subvention aux
clubs sportifs, etc.. Ces différentes actions ont pour objectif de répondre à une demande sociale
qui se traduit par l’expression des « goûts sportifs » variables en fonction des aires
socioculturelles des pratiquants (Pociello, 1981 ; Defrance, 2006)1
ou à travers le type
d’espaces disponibles dans le milieu de vie des pratiquants (Augustin, 1995)2
. En Europe en
général et en France en particulier, les politiques publiques menées par l’État et les collectivités
territoriales interviennent dans le secteur sportif depuis le début du XXe
siècle (Monneret,
1998;Charrier, 2002;Honta, 2002;Arnaud, Attali, Saint-Martin, 2008;Honta, 2010;Lapeyronie,
Charrier, 2014)3
. L’apparition des « cultures urbaines » et des pratiques sportives de loisirs au
milieu des années 1970 modifie le paysage sportif en France (Loret, 1995)4
. Ce dernier voit
émerger une nouvelle catégorie de pratiques sportives en dehors des cadres institutionnels
traditionnels (club, fédération, etc.). D’une part, les pratiquants s’inscrivent dans les loisirs des
catégories sociales moyennes ou élevées dont le temps libre s’est allongé intégrant ainsi ce que
Joffre Dumazedier appelle « des occupations de plein gré » (1962)5
. Celles-ci proviennent du
temps libre dégagé des obligations professionnelles, familiales ou sociales. C’est un temps
consacré soit au repos, soit au divertissement, soit au développement de son information ou sa
formation désintéressée. D’autre part, ils s’adonnent aux activités sportives ou culturelles qui
ont pour support la rue. Ces pratiques s’ancrent dans les cultures urbaines reléguées dans les
quartiers en difficultés économiques et sociales. Celles-ci désignent l’ensemble des pratiques
culturelles, artistiques (graffiti, rap, slam, danses urbaines, etc.) et des activités physiques
pratiquées dans la rue ou dans des équipements spécialisés (skateboard, roller street, streetbike,
monocycle, BMX, basket de rue, football, street golf, etc.), (Faure, Garcia, 2002)6
.
Traversant des domaines différents, les cultures urbaines se situent à l’intersection de
l’artistique, du culturel et du social. Elles s’inscrivent dans un ancrage territorial, celui de la
ville qu’elles contribuent à transformer par leur caractère évolutif et prospectif (Lebreton,
2010). Elles sont alors perçues comme un véritable mouvement de fond qui prend sens,
socialement et artistiquement, dans des territoires caractérisés par des populations en situation
de difficultés économiques (chômage) et sociales (affaiblissement du réseau social, insertion
sociale par le bas, etc.). Ce mouvement produit différentes pratiques (plastiques,
chorégraphiques, musicales, sportives) qui se développent en dehors des institutions. C’est dans
ce sillage que se positionnent les pratiques sportives auto-organisées ou autonomes. Ces
pratiques, éloignées de tout encadrement associatif, défendent de nouvelles significations sportives comme le plaisir, le divertissement, la liberté et le jeu, elles revendiquent de ce point
de vue une place dans l’échiquier sportif (Vieille-Marchiset, 2003;Fodimbi, 2008)7
. Les
pratiquants ont à cœur de combiner la revendication d’existence et la défense du territoire dans
un espace où ils n’ont aucune visibilité sociale. Néanmoins, il faut relever que d’autres milieux
sociaux se distinguent par ce type de pratique sportive. Ce qui indique que toute pratique
sportive auto-organisée n’est pas exclusivement réservée aux populations à faible capital social
résidant dans les banlieues requalifiées comme « zone urbaine sensible8
» par les pouvoirs
publics (Lapeyronnie, Kokoreff, 2013)9
. En effet, des pratiques sportives auto-organisées telles
que l’escalade, la planche à voile, les randonnées voient le jour et restent malgré tout
inaccessibles aux populations à faible revenus économiques (Gasparini, 2003)10
.
Dans ce cadre, les pratiquants adhèrent à une association sportive et obtiennent une licence
sportive pour être reconnus comme membre de l’association. Cette démarche ne les empêche
pas de mener une autre activité sportive non contraignante. Cela montre que les pratiques
sportives auto-organisées sont aussi le fait de pratiquants issus du milieu sportif institutionnel
qui se positionnent en marge des règlements contraignants de leurs clubs. C’est le cas du ski
nautique qui voit ses pratiquants se détacher de l’orthodoxie imposée par l’institution
(règlement, chronométrage, coûts de licence, etc.) pour former un groupe d’anticonformistes à
la recherche de nouvelles sensations telles que le risque, l’aventure, le « hors limites », le libre
accès (Gasparini, 2003)11
. Les free rider ou les free styler sont aussi illustratifs de ces nouvelles
formes de pratiques (Drouet, Kemo-Keimbou, 2005)12. Cette émancipation des pratiquants
sportifs traditionnels ne doit pas occulter l’influence des sports de glisse développés en
Californie qui, aux yeux de certains chercheurs constituent le point de départ de ces nouvelles
pratiques sportives (Loret, 1995;Loret, Waser, 2001)
13. Cette divergence de représentation des
pratiques sportives autonomes révèle la complexité à cerner ce fait social. Ainsi, une pratique
sportive autonome dans une zone urbaine sensible, sans culture associative (pas d’organisation
préalable du fonctionnement du groupe, pas de contraintes d’adhésion et d’horaires
d’entraînement) n’a pas les mêmes enjeux qu’une pratique sportive autonome dans un quartier
dont les pratiquants sont imprégnés de cette culture associative.
Mais, quelque soit le type d’activités sportives auto-organisées retenu, il faut souligner
l’implication permanente et décisive des politiques publiques dans leur structuration avec la
construction ou l’aménagement des espaces ou équipements sportifs adaptés (Skate Park,
parcours santé, terrains de jeux de proximité et Playgrounds)
14. Ces réponses institutionnelles
(État, collectivités territoriales, ligues privées) dans ce nouveau champ sportif attestent de leur
implication dans la modélisation des activités physiques et sportives. Elles indiquent aussi la
place centrale des espaces ou équipements sportifs dans la formulation de la réponse en lien
avec les demandes des pratiquants.

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