De jeunes travailleuses migrantes si (in)visbles: les "petites domestiques" d'Afrique de l'Ouest. Perspectives comparatives à partir de l'exemple des fillettes et jeunes filles au travail à Abidjan

Type Working Paper - Centre dEtudes Africaines, Paris
Title De jeunes travailleuses migrantes si (in)visbles: les "petites domestiques" d'Afrique de l'Ouest. Perspectives comparatives à partir de l'exemple des fillettes et jeunes filles au travail à Abidjan
Author(s)
Publication (Day/Month/Year) 2009
URL http://www.migrationdrc.org/news/reports/Child_and_Youth_Migration/papers/Jaquemin Accra French.pdf
Abstract
On peut s’étonner de la relative nouveauté de l’attention portée à l’emploi domestique des enfants. Alors
que le travail et l’exploitation des enfants se situent désormais au cœur des préoccupations des instances
internationales spécialisées (OIT, UNICEF) et des ONG concernées, que le sujet suscite un intérêt
croissant de la part des chercheurs en sciences sociales et qu’il a trouvé une visibilité médiatique, la
question du travail domestique des enfants est restée longtemps méconnue, voire négligée. Depuis une
quinzaine d’années, elle fait cependant l’objet d’un engagement nouveau de la part des institutions
internationales et des O.N.G. Le travail de ces dernières – dans un contexte où l’attention publique et les
politiques institutionnelles portent prioritairement sur les « pires formes du travail des enfants » et
particulièrement sur la situation spécifique des filles1 –, ainsi que les relais médiatiques ont permis à ces
« 10 millions d’enfants bons à tout faire » (Libération [quotidien français], 11/06/2004) d’occuper une place
nouvelle dans la conscience publique et les programmes de développement. En juin 2004, la publication du
rapport du BIT intitulé Coup de main ou vie brisée ? Comprendre le travail domestique des enfants pour
mieux intervenir, officialise cette prise en compte inédite des activités domestiques dans la problématique
générale du « travail des enfants ».
À l’échelle mondiale, l’ampleur du phénomène des enfants domestiques est aujourd'hui dévoilée, si bien
que d’invisible, il est subitement devenu dans nombre de pays du Sud un « problème de société ». À ce
titre, il appelle bien sûr à l’action. Et devant la gravité de certaines situations, il mérite certes d’être dénoncé
comme un scandale pour le sens moral. Mais ce n’est pas là le rôle du chercheur. Il n’est aucunement
besoin de justifier que des priorités d’action portent sur des situations caractérisées comme relevant d’une
forme d’esclavage, de trafic ou de servitude pour dettes. Cependant, on ne saurait sérieusement émettre
l’hypothèse que ces situations extrêmes concernent à l’heure actuelle à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest,une majorité de ‘‘petites domestiques’’, même si toutes les observations confirment qu’une majorité d’entre
elles travaillent et vivent dans des conditions très difficiles.
En Afrique de l’Ouest, le phénomène des ‘‘petites domestiques’’ n’est pas nouveau. Contrairement à ce
que l’on pourrait croire, il n’est pas apparu avec la récession et les Programmes d’Ajustement Structurel
(PAS) qui touchent l’économie de la plupart des pays de la sous-région depuis les années 1980. Mais le
phénomène s’est transformé, complexifié, notamment sous l’effet de la crise économique. La nouveauté
tient à des formes inédites de mise au travail domestique des enfants, formes qui se sont développées au
cours de ces 20 dernières années.
Malgré la multiplication des recherches sur l’emploi domestique, force nous est de reconnaître que les
enquêtes approfondies restent encore en nombre insuffisant pour saisir l’étendue et la signification des
questions que pose aujourd'hui le service domestique juvénile, pour mieux en comprendre les dimensions
multiples et les évolutions, finalement pour construire une connaissance solide qui puisse orienter une
action politique appropriée aux besoins spécifiques qu’expriment ces très jeunes travailleurs migrants –
des filles en majorité.
Sans prétendre apporter une réponse définitive à des questions aussi complexes, je développe ici 4 parties
visant à montrer non seulement l’ampleur du phénomène, mais surtout la diversité des dynamiques à
l’œuvre. La 1ère partie traite la question de la quantification des ‘‘petites domestiques’’ : toujours impossible
à ce jour et pourtant jugée cruciale, elle pose plus généralement la question de la reconnaissance et des
modes de catégorisation de ces jeunes travailleuses migrantes. Pour attester la diversité des situations à
prendre en considération, la 2ème partie détaille les principaux modes de placement et statuts d’emploi des
petites domestiques que l’on rencontre aujourd'hui dans les grandes villes d’Afrique de l’Ouest. À partir de
la biographie exemplaire d’une petite domestique au travail à Abidjan, la 3ème partie met en évidence le fait
que les trajectoires de travail de ces jeunes migrantes ne sont pas linéaires, mais qu’il y a, au contraire,
très couramment une succession de plusieurs statuts d’emploi domestique ; en fonction de l’âge de la
jeune travailleuse, ces passages sont tantôt révélateurs d’une certaine prise d’autonomie, tantôt d’une forte
dépendance. Enfin, j’examinerai en 4ème partie dans quels contextes et de quelles manières, les parents et
les jeunes filles elles-mêmes tentent de mettre en place des stratégies visant à sécuriser la migration
urbaine de travail des ‘‘petites domestiques’’.

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