« Le grand chef doit être comme le grand tas d’ordures ». Gestion des déchets et relations de pouvoir dans les villes de Garoua et Maroua (Cameroun)

Type Thesis or Dissertation - Docteur en Anthropologie
Title « Le grand chef doit être comme le grand tas d’ordures ». Gestion des déchets et relations de pouvoir dans les villes de Garoua et Maroua (Cameroun)
Author(s)
Publication (Day/Month/Year) 2014
URL http://www.theses.fr/2014PA100142
Abstract
Dans les villes moyennes de Garoua et Maroua, au Nord et à l’Extrême Nord du Cameroun,
on dit des « chefs », soit des détenteurs de l’autorité à l’échelle d’une famille, d’un quartier, de la
cité ou autrefois d’un royaume, qu’ils doivent être « comme des grands tas d’ordures ». Ce proverbe
situe ainsi les relations de pouvoir et l’exercice de l’autorité dans un rapport particulier avec la
gestion des déchets : le chef doit se montrer patient et hiératique comme un grand dépotoir,
lorsqu’il reçoit toutes les insultes et les plaintes de ses sujets comme autant d’immondices ; mais,
selon un registre ésotérique développé par les religions locales puis repris dans le cadre musulman,
on attend aussi qu’il fasse preuve de la même puissance, magique notamment, que celle dégagée
par une grande et ancienne accumulation de déchets. Les conceptions locales des excrétions
corporelles, des objets déchus et des restes des activités du quotidien font en effet du contrôle et
de la manipulation des déchets un élément majeur d’une « gouvernementalité » (Foucault)
particulière. Celle-ci s’opère via des « techniques du corps » et des « techniques de soi » spécifiques
autour du détachement entre soi, ses déchets corporels et ses possessions matérielles. L’analyse
généalogique des discours et des pratiques de gestion individuelles et institutionnelles des déchets
depuis la fondation des deux villes au XVIIIe siècle jusqu’au début du XXIe siècle, marqué par la
privatisation de ce service public, permet alors de saisir comment les tas d’ordures dans ce contexte
peuvent être considérés comme de véritables « dispositifs de pouvoir » et le contrôle des
immondices comme un instrument puissant de gouvernement de soi et des autres.

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