Type | Journal Article - Revue d'Economie du Developpement |
Title | Le differentiel de revenus joue-t-il un role determinant dans la migration rurale-urbaine? Application au cas du Cameroun |
Author(s) | |
Volume | 19 |
Issue | 1 |
Publication (Day/Month/Year) | 2011 |
Page numbers | 45-76 |
Abstract | La plupart des pays en développement font face à une accélération de la croissance de leur population urbaine, essentiellement causée par l’incidence de la migration rurale-urbaine. D’après Merabet (1999), la croissance totale de la population de la ville de Yaoundé au Cameroun est expliquée pour 50 % par la migration rurale. Celle-ci intervient en dépit du coût de la vie et du taux de chômage relativement élevés en milieu urbain [1][1] D’après les données de l’ECAM II, le taux de chômage.... La croissance rapide des grandes villes est un sujet d’inquiétude majeur, conduisant les pouvoirs publics de ces pays à mettre en place des politiques visant à réduire la migration vers les villes (United Nations, 1998). 2 La littérature sur la migration rurale-urbaine dans les pays de l’Afrique subsaharienne est extrêmement fournie. Cette abondance de recherches découle, d’une part, de l’importance du phénomène migratoire dans ces pays et, d’autre part, des difficultés rencontrées jusque-là pour réduire ce type de mouvement. La question qui mérite d’être posée est alors de savoir pourquoi, en dépit des difficultés économiques que rencontrent les individus qui résident déjà dans les zones urbaines, les résidents ruraux continuent, malgré tout, de migrer en direction des villes ? 3 Le modèle fondateur de la littérature moderne pour expliquer le phénomène migratoire est sans doute celui dû à Harris et Todaro (1970). Ce modèle repose sur l’hypothèse que la décision de migration est une décision individuelle qui résulte d’un comportement de maximisation du revenu escompté. Plusieurs études ont utilisé ce cadre d’analyse, et ont établi le différentiel de revenus escomptés entre zones urbaine et rurale comme étant le principal motif de migration [2][2] Pour plus d’informations à ce sujet, il faut se référer.... 4 Aujourd’hui, cette thèse est remise en cause pour plusieurs raisons. 5 Premièrement, beaucoup de chercheurs reconnaissent que les facteurs non monétaires ont toujours joué un rôle très important dans le processus de décision migratoire [Gubry et al. (1996) ; Bilsborrow et al. (1986) ; Oucho (1998)]. Par exemple, selon Fleischer (2006), les familles élargies et les réseaux constituent des réalités importantes de la société camerounaise, et il est probable qu’ils constituent des facteurs déterminants dans la décision de migration. Cette considération a conduit à l’incorporation de nouvelles variables dans les questionnaires d’enquête sur la migration, pour explorer les raisons économiques, sociales et culturelles de la mobilité spatiale. 6 Deuxièmement, de nouveaux modèles de migration ont été développés dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Ces derniers remettent en cause des hypothèses fondamentales du modèle de Harris et Todaro, – qu’il s’agisse du caractère individualiste du modèle ou de l’aspect maximisateur du revenu – pour donner plus de réalisme à la modélisation. Selon Massey et al. (1993), les décisions de migration ne sont pas prises par des agents isolés, mais par des ensembles plus larges de personnes liées entre elles, surtout des familles et des ménages. Dans ce cas, les agents agissent collectivement non seulement pour maximiser leur revenu, mais aussi pour minimiser les risques et relâcher les contraintes qui proviennent de diverses limitations des marchés, au-delà du marché du travail. En effet, les marchés d’assurance et des capitaux, pour les régions rurales des pays en développement en général et du Cameroun en particulier, sont peu développés et parfois inexistants. Ce qui ne permet pas aux populations de ces pays de se prémunir contre les risques de diminution de leur revenu. 7 L’objectif de ce travail est d’apporter une contribution à la mise en évidence des déterminants de la migration rurale-urbaine dans le contexte du Cameroun. Il s’agit de se focaliser sur l’influence d’autres facteurs, tels que les caractéristiques individuelles et familiales, ainsi que celles liées à l’environnement du migrant, et non plus seulement le différentiel de revenus longtemps considéré comme facteur dominant. 8 Dans ce contexte, nous optons pour une étude micro-économique, en prenant le ménage comme unité d’observation. La deuxième enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM II) fournit à cet effet des données pour deux années consécutives, ce qui nous permet de rappeler les informations sur les migrants juste avant leur déplacement. Nous nous intéressons ainsi à un mouvement migratoire particulier, alors que les premiers travaux empiriques sur les migrations s’intéressaient essentiellement au statut du migrant ou à la migration sur la durée de vie. Notre analyse est en outre en phase avec la littérature récente qui présente la migration d’un individu comme le résultat d’une stratégie familiale. Nous testons l’hypothèse que le différentiel de revenus attendus entre zones urbaine et rurale n’est pas le déterminant principal de la décision de la migration. Les facteurs cités ci-dessus constitueraient également des mobiles importants. En effet, la migration du ménage pourrait être expliquée par l’incomplétude (ou l’absence) d’un marché de crédit en milieu rural (Stark, 1991), par l’exercice des activités non agricoles en milieu rural (Zhu, 2002), par la participation à des activités associatives et par la détention de certains actifs, à l’instar des terres et des biens immobiliers. 9 Nous considérons en outre la migration comme un phénomène sélectif. Les migrants sont supposés être des individus possédant des caractéristiques spécifiques, compte tenu du rationnement des emplois urbains. Parmi ces caractéristiques, celles liées au capital humain – notamment le niveau d’éducation – pourraient s’avérer déterminantes (Schwartz, 1973). Dans ces conditions, l’échantillon des migrants n’est pas défini de manière aléatoire, les actifs qui sont à même de profiter de la migration seront les plus mobiles. Le biais d’auto-sélection sera pris en compte et corrigé en suivant la procédure à deux étapes décrite par Heckman (1979). 10 La suite de ce papier s’organise de la façon suivante. La section 2 présente la revue de la littérature sur les déterminants de la migration rurale-urbaine. La section 3 décrit le modèle économétrique. La section 4 fait une analyse des données permettant d’estimer le modèle. La section 5 donne quelques statistiques descriptives sur les caractéristiques des migrants et des non-migrants. La section 6 présente les résultats et les implications de l’étude. Enfin, la conclusion fait l’objet de la section 7 |
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