Abstract
L'Enquête Démographique et de Santé de Mauritanie (EDSM 2000-01) est une enquête par sondage. Elle a été exécutée par l'Office national de la Statistique (ONS), avec l'assistance technique de ORC Macro. Cette enquête fait partie du Programme International des Enquêtes Démographiques et de santé et elle a été financée par le gouvernement mauritanien, sur crédit IDA, dans le cadre du Projet d'Appui au Secteur de la Santé (PASS) du Ministère de la santé et des Affaire Sociales. En outre, elle a bénéficié de la contribution financière du FNUAP et d'un appui logistique de l'UNICEF.
L'EDSM fournit des informations sur la fécondité, la planification familiale, la santé de la mère et de l'enfant, l'état nutritionnel des femmes et des enfants de moins de cinq ans, la mortalité infanto-juvénile et la mortalité maternelle, la prévalence et les caractéristiques de certaines pratiques traditionnelles comme l'excision et le gavage et enfin, l'enquête fournit également des informations sur les Infections Sexuellement Transmissibles (IST) et le sida et des informations sur la disponibilité des services communautaires. Au cours de cette enquête, dont le travail sur le terrain s'est déroulé d'août 2000 à avril 2001, 6 149 ménages, 7 728 femmes âgées de 15-49 ans et 2 191 hommes de 15-59 ans ont été interviewés avec succès.
Les informations recueillies sont significatives au niveau national et au niveau de chacun des quatre domaines d'études définis préalablement : ce sont Nouakchott, la zone Sud-Est qui regroupe les wilayas de Hodh Charghi et Hodh Gharbi, la zone Fleuve qui regroupe les wilayas de Trarza, Brakna, Gorgol et Guidimagha, la zone Centre qui regroupe les wilayas de Assaba et Tagant et enfin la zone Nord qui regroupe les wilayas de Inchiri, Adrar, Tiris-Zemmour et Dakhlet-Nouadhibou. Les données sont aussi représentatives au niveau des milieux de résidence, à savoir Nouakchott, Autres Villes et le milieu rural.
L'EDSM vise à identifier et/ou à estimer :
Pour l'ensemble de la population :
- les niveaux de scolarisation;
- les niveaux d'utilisation du sel iodé;
- certains indicateurs de bien-être des ménages.
Pour les femmes de 15-49 ans et les enfants de moins de cinq ans :
- divers indicateurs démographiques, en particulier les taux de fécondité, de mortalité des enfants et de mortalité maternelle;
- les facteurs directs et indirects qui déterminent les niveaux et tendances de la fécondité, tels que les comportements matrimoniaux et l'utilisation de la contraception;
- les catégories de femmes susceptibles d'avoir plus ou moins d'enfants et susceptibles d'utiliser la contraception;
- les taux de connaissance et de pratique contraceptive par méthode, selon diverses caractéristiques socio-démographiques;
- les facteurs directs et indirects qui déterminent les niveaux et tendances de la mortalité;
- différentes composantes de la santé de la reproduction et de la santé des enfants : visites prénatales et postnatales, conditions d'accouchement, allaitement, vaccinations, prévalence et traitement de la diarrhée et d'autres maladies chez les enfants de moins de cinq ans;
- l'état nutritionnel des femmes et des enfants de moins de cinq ans au moyen des mesures anthropométriques (poids et taille);
- le niveau de connaissance, les opinions et attitudes des femmes vis-à-vis des Infections Sexuellement Transmissibles (IST) y compris le VIH/sida;
- les problèmes liés aux pratiques traditionnelles telles que le gavage et l'excision.
Pour les hommes de 15-59 ans :
- les facteurs directs et indirects qui déterminent les niveaux et tendances de la fécondité, tels que les comportements matrimoniaux, les comportements sexuels et l'utilisation de la contraception;
- les catégories d'hommes susceptibles d'avoir plus ou moins d'enfants et susceptibles d'utiliser la contraception;
- le niveau de connaissance, les opinions et attitudes vis-à-vis des Infections Sexuellement Transmissibles (IST) y compris le VIH/sida.
PRINCIPAUX RESULTATS
Les résultats de l'EDSM montrent que la population mauritanienne est une population jeune, les moins de 15 ans représentant 46 % de la population totale. De plus, la population féminine est plus nombreuse que celle des hommes (52 % contre 48 %), ce qui donne un rapport de masculinité de 92 hommes pour 100 femmes.
Avec les niveaux actuels de fécondité, chaque femme aura, en moyenne, en fin de vie féconde, 4,7 enfants. Une femme sur deux de 25-49 ans donne naissance à son premier enfant à 20,7 ans. De plus, les données de l'EDSM ont mis en évidence une tendance au vieillissement de cet âge médian à la première naissance. D'autre part, on constate, selon les résultats de l'enquête, que le niveau de la fécondité varie de manière importante selon le milieu de résidence : en effet, la fécondité des femmes du milieu rural (en moyenne, 5 enfants par femme) est nettement plus élevée que celle des femmes du milieu urbain (en moyenne, 4,3 enfants). Les résultats montrent également que le niveau de la fécondité est influencé de manière importante par le niveau d'instruction de la femme; en effet, le nombre moyen d'enfant par femme et d'autant plus faible que le niveau d'instruction de la femme augmente : d'un maximum de 5,3 enfants chez les femmes n'ayant aucune instruction à un minimum de 3,5 chez celles ayant un niveau secondaire ou plus.
Parmi les facteurs qui influencent ce niveau de la fécondité, figurent l'âge au mariage. L'âge médian au premier mariage pour les femmes de 25-49 ans est estimé à 17,1 ans. On note, des générations les plus anciennes aux plus récentes, un vieillissement de cet âge au premier mariage. Par ailleurs, les résultats mettent en évidence une diminution des mariages précoces. Les hommes se marient beaucoup plus tard que les femmes : l'âge médian au premier mariage s'établit à 26,5 ans et comme chez les femmes, on observe un vieillissement de cet âge médian.
D'autre part, le divorce est largement pratiqué en Mauritanie puisque selon les résultats de l'EDSM, 25 % des femmes ont été mariées au moins deux fois; c'est à Nouakchott que la fréquence du divorce est la plus élevée puisque 39 % des femmes y ont contracté, au moins, deux mariages.
La polygamie n'est pas très répandue en Mauritanie puisqu'elle ne concerne que seulement 12 % des femmes mariées. De plus, par rapport aux résultats de l'ENMF de 1981, on constate que les proportions de femmes en union polygame ont diminué, passant de 18 % à 12 %.
Le niveau de connaissance des méthodes contraceptives est faible en Mauritanie, en particulier, chez les hommes. En effet, seulement 69 % de l'ensemble des femmes et 57 % de l'ensemble des hommes ont déclaré connaître une méthode contraceptive. Cependant, ce niveau de connaissance s'est nettement amélioré au cours de ces vingt dernières années. Parmi les méthodes modernes, c'est la pilule qui est la méthode la mieux connue par les femmes suivie des injections. Chez les hommes, c'est le condom qui est la méthode moderne la mieux connue.
Parmi les femmes mariées, 8 % utilisaient une méthode de contraception quelconque au moment de l'enquête. En ce qui concerne les seules méthodes modernes, la proportion est de 5 % et c'est la pilule qui est la méthode moderne la plus utilisée (3 %) suivie par les injections (0,9 %). Chez les hommes, le recours aux méthodes contraceptives est un peu plus élevé puisque 7 % des hommes mariés ont déclaré utiliser une méthode moderne. Le condom est la méthode moderne la plus fréquemment utilisée par les hommes. Chez les femmes, la prévalence contraceptive varie de manière importante selon le milieu de résidence, passant d'un minimum de 3 % en milieu rural à un maximum de 18 % à Nouakchott. D'autre part, les données montrent que, dans plus de la moitié des cas, la décision d'utiliser la contraception a été prise d'un commun accord par les deux conjoints alors que dans 28 % des cas, c'est la femme seule qui a pris la décision.
Parmi les femmes qui n'utilisaient pas la contraception au moment de l'enquête, la majorité n'avait pas l'intention de le faire dans l'avenir ; seulement, une femme sur huit (12 %) a déclaré avoir l'intention d'utiliser la contraception dans le futur. Chez les hommes, les résultats sont quasiment identiques puisque les trois quarts ont déclaré ne pas avoir l'intention d'utiliser une méthode contraceptive dans l'avenir. Chez les femmes, les interdits religieux constituent la principale raison de non utilisation de la contraception (22 %); chez les hommes, c'est le désir d'avoir des enfants (36 %).
L”EDSM fournit des indicateurs sur la santé et l'état nutritionnel des enfants derniers-nés de moins de cinq ans et des femmes. Selon les résultats, on constate que près des deux-tiers des naissances d'enfants derniers-nés au cours des cinq dernières années ont bénéficié de soins prénatals dispensés par du personnel formé. Dans la majorité des cas, ce sont des sages-femmes qui ont effectué ces soins et dans 20 % des cas, ce sont des médecins. Ces soins prénatals sont plus fréquents en milieu urbain que rural (84 % contre 50 %).
En ce qui concerne la couverture vaccinale des enfants, on constate qu'en Mauritanie seulement un tiers des enfants de 12-23 mois ont reçu tous les vaccins du PEV. De plus, cette couverture vaccinale présente des disparités importantes; en effet, la proportion d'enfants complètement vaccinés varie de 27 % en milieu rural à 38 % en milieu urbain. De même, le niveau d'instruction de la mère joue un rôle important puisque le niveau de la couverture vaccinale est plus élevé chez les enfants dont la mère a un niveau d'instruction primaire (40 %) et secondaire ou plus (38 %) que chez ceux dont la mère n'a pas d'instruction (27 %) et que chez ceux dont la mère a seulement reçu un enseignement coranique (28 %).
Les Infections Respiratoires Aiguës (IRA), la fièvre et la diarrhée constituent des problèmes de santé importants en Mauritanie. Dix pour cent des enfants de moins de cinq ans ont souffert de toux accompagnée de respiration rapide au cours des deux semaines ayant précédé l'enquête. Ce sont surtout les enfants de 6-11 mois qui en ont le plus fréquemment souffert (17 %). On a également constaté que les enfants vivant à Nouakchott (12 %)ont été plus fréquemment touchés par les IRA que ceux du milieu rural (9 %). Parmi les enfant malades, 39 % ont été menés en consultation.
En outre, pratiquement un tiers des enfants ont eu de la fièvre au cours des deux semaines ayant précédé l'enquête (31 %). Les enfants de 6-23 mois (39 %), ceux de Nouakchott (35 %) et ceux de la zone Sud-Est (42 %) ont été les plus touchés par la fièvre. C'est avec des antipaludéens que les enfants malades ont été essentiellement traités.
Pratiquement un enfant sur cinq a eu la diarrhée au cours des deux semaines ayant précédé l'enquête. La prévalence de la diarrhée est particulièrement élevée chez les enfants de 6-23 mois (29 %), chez ceux de la zone Nord (23 %) et chez ceux de Nouakchott (22 %). Plus d'un tiers des enfants ont été traités à l'aide d'une Thérapie de Réhydratation par voie orale (TRO).
Parmi les enfants nés au cours des cinq années ayant précédé l'enquête, la grande majorité a été allaitée. L'allaitement est pratiqué par toutes les femmes, quelle que soit la catégorie socio-démographique. Cependant, on constate que seulement 84 % des enfants ont été mis au sein dans les 24 heures qui ont suivi la naissance. La durée moyenne de l'allaitement est estimée à 20,5 mois. En outre, alors que jusqu'à 4-6 mois, l'OMS recommande que tous les enfants reçoivent uniquement le lait maternel, on constate que dès 0-1 mois, en plus du lait maternel, un tiers des enfants reçoivent de l'eau et 21 % des autres aliments. À 4-5 mois, 64 % des enfants reçoivent d'autres aliments. À l'opposé, à partir de 6 mois, âge à partir duquel le lait maternel seul n'est plus suffisant pour assurer la meilleure croissance possible des enfants, l'OMS et l'UNICEF recommandent que des aliments de complément soient introduits dans l'alimentation. En Mauritanie, seulement 78 % des enfants de 6-9 mois reçoivent des aliments de complément et par conséquent plus d'un enfant sur cinq ne sont pas nourris conformément à ces recommandations.
Plus d'un tiers des enfants de moins de cinq ans accusent un retard de croissance (35 %) et souffrent donc de malnutrition chronique. la prévalence du retard de croissance est plus élevée en milieu rural qu'en milieu urbain (38 % contre 30 %). En outre, 13 % des enfants de moins de cinq ans sont émaciés. La prévalence de l'émaciation est particulièrement élevée en milieu rural (14 %).
Près d'un tiers des enfants présentent une insuffisance pondérale (32 %). Selon le milieu de résidence, la prévalence varie de 36 % en milieu rural à 27 % en milieu urbain.
En Mauritanie, sur 1 000 enfants nés vivants, 74 décèdent avant d'atteindre leur premier anniversaire. Le risque de décéder entre le premier et le cinquième anniversaire est estimé à 46 ‰; quant au risque de décéder entre la naissance et le cinquième anniversaire, il s'établit à 116 ‰. Du point de vue du milieu de résidence, et à tous les âges, la mortalité des enfants du milieu urbain est plus faible que celle du milieu rural (5q0 112 ‰ contre 120 ‰)
La mortalité maternelle reste à un niveau très élevé en Mauritanie. Pour la période 19922001, le taux de mortalité maternelle est estimé à 747 décès pour 100 000 naissances. En d'autres termes, une femme court un risque de 1 sur 28 de décéder pour cause maternelle pendant les âges de procréation.
En Mauritanie, près des trois quarts des femmes (71 %) ont déclaré avoir été excisées. D'un point de vue ethnique, on constate que la quasitotalité des femmes soninkés (92 %) et qu'environ les trois quarts des femmes poulars (72 %) et arabes (71 %) ont subi cette pratique, alors que seulement 28 % des femmes wolofs ont été excisées. L'excision est pratiquée très tôt et la grande majorité des femmes ont été excisées par des praticiens traditionnels. Par ailleurs, les résultats montrent que 66 % des enquêtées ayant, au moins, une fille avaient déjà fait exciser leur fille ou l'une de leur fille et que 3 % avaient l'intention de le faire, ce qui démontre la persistance de cette pratique.
Environ une femme sur cinq a déclaré avoir été gavée ou être toujours gavée. À la différence de ce qui a été observé pour l'excision, les résultats mettent en évidence une diminution de la fréquence de la pratique du gavage. Le gavage est essentiellement pratiquée chez les Arabes (28 % contre moins de 2 % chez les autres).
En Mauritanie, 86 % des hommes et 76 % des femmes ont déclaré avoir entendu parler du sida. Cependant, 44 % des femmes et 22 % des hommes ne connaissent aucun des moyens importants pour l'éviter. D'autre part, 60 % des hommes ont déclaré connaître le condom; cependant, une très faible proportion a déclaré l'avoir utilisé au cours des derniers rapports sexuels, essentiellement des hommes jeunes, du milieu urbain et dans la zone Nord.
L'EDSM fournit également des données sur les principaux problèmes que rencontrent les populations en matière de soins en Mauritanie. Dans près de la moitié des cas, on constate que la disponibilité des services constitue le problème majeur : plus précisément, il s'agit du manque d'établissements sanitaires (25 %) et de leur éloignement/inaccessibilité (24 %); Les problèmes auxquels se heurtent la population pour se soigner diffèrent significativement selon le milieu de résidence : À Nouakchott et dans les Autres Villes, ce sont l'éloignement des établissements et leur mauvais équipement ainsi que le coût élevé des consultations qui constituent les problèmes importants pour se soigner.